• Deepak Chopra,

    Homme de paix intérieure, ami des stars  et businessman accompli : ce médecin américain, né en Inde, est passé de l’auscultation à la méditation. 

    Le Figaro.fr/madame. - Politiques et économistes d’est en ouest n’ont qu’un mot à la bouche : la croissance. Est-ce bien raisonnable aujourd’hui d’imaginer, à travers la méditation notamment, un chemin vers la diminution de nos désirs, de nos besoins, de nos appétits ? Êtes-vous, Deepak Chopra, un homme raisonnable ?
    Deepak Chopra. - Suis-je un homme raisonnable ? Je ne peux pas répondre, c’est à ceux qui me rencontrent de le dire. Mais je pense que la raison est conditionnée par une empreinte sociale, un cadre qui varie selon les époques. La méditation n’est pas une affaire de raison, elle propose d’aller au-delà de la raison. Comme disait l’un de vos grands auteurs français, Blaise Pascal : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. » Je me place du côté du cœur.

    Quelle est votre définition de la méditation ?
    C’est une pratique universelle, qui consiste à développer une attention au moment présent. On remonte le courant pour aller au-delà de l’esprit empli de nos pensées, de nos émotions et de nos sensations vers un état de silence, de présence, qui débloque l’énergie et nous relie à notre moi profond.

    Rester assis en silence déconcerte parfois. Cela s’apprend-il ?

    Il n’y a rien à apprendre. Il n’y a pas non plus à chercher à être silencieux, car c’est encore vouloir. Vous ne videz pas votre esprit en essayant de le vider de ses pensées, car c’est encore une pensée. Il y a à laisser remonter le silence à la surface. La méditation, c’est être au monde. La difficulté est de comprendre qu’être au monde ne demande pas d’effort.

    Nous manquons de temps, nous réclamons du temps, nous courons après un temps que nous avons peur de gaspiller… Qu’est-ce qui nous a conduits là ?
    Je ne suis pas d’accord ! Nous avons l’éternité, si notre attention est tournée vers l’instant présent. Mais à l’ouest du monde, on éduque les gens en leur répétant qu’il y a un point d’arrivée à atteindre. Donc, chacun garde l’œil rivé sur ce point, au loin. Moi, je pense que si notre attention se préoccupe avant tout du futur ou du passé, alors le temps nous dévore tout cru. La meilleure façon d’expérimenter le temps est de vivre pleinement le moment présent, d’être persuadé que c’est ce moment-là qui est le plus important.

    Dans des vies professionnelles intenses et actives, être et agir en même temps en étant pleinement conscient du moment présent, c’est loin d’être facile ! 

    Si vous souhaitez agir avec efficacité dans le moment présent, mon conseil est : poursuivez l’excellence, ignorez le succès. Tant que vous demeurez collé à un objectif de résultat, le temps se rit de vous et épuise vos forces. Ma façon personnelle de procéder est de parcourir les vingt-quatre heures d’un jour en séparant nettement temps de sommeil, de méditation, de travail, de liens avec les autres, temps connecté et temps de loisir. Quand je travaille, je ne fais rien d’autre ; quand je vous parle, je ne fais rien d’autre. Si vous voulez utiliser le temps sagement, ne faites jamais plusieurs choses à la fois. Je sais que c’est un mal endémique de notre civilisation ! Mais se penser et se vivre comme un être multitâche ruine notre cerveau, et c’est l’une des rares choses qui empire avec la pratique. Il me semble que la manière la plus efficace de travailler est de le faire avec un esprit apaisé, dans un corps énergique et l’âme légère.

    Les « Tu dois ! » de tous ordres - « être forte, être efficace, être à la hauteur… » - sont un autre mantra de l’époque. Ces injonctions affectent-elles les corps, et si oui, comment ? 
    Bien sûr, les corps encaissent les coups et les dommages de trop de discipline, d’ambition, de plans sévères de carrière que l’on construit à bout de bras. Le stress est associé à de multiples formes d’inflammations, de troubles du rythme cardiaque et, bien sûr, d’addictions au travail, au succès, à la nourriture, à l’alcool ou à la drogue… Il s’agit d’un mécanisme échappatoire dans lequel, en fin de compte, la personne n’a jamais assez… de ce qu’elle ne veut pas.Il est toujours possible de retrouver cette sensation du corps

    Sur ces addictions est porté généralement un regard culpabilisateur…
    Oui, car la culpabilité est un autre mélodrame de notre civilisation ! On ne peut pas continuer à fonctionner comme ça.

    Les femmes notamment racontent combien, plus elles occupent des positions de leadership, plus elles se sentent coupées de leurs corps, de leurs sensations…
    Parce qu’elles sont en compétition avec des hommes dans un environnement dont les règles ont été fixées par eux. Si nous voulons que les femmes soient les leaders de demain - ce qui personnellement me semble plus que nécessaire tant les archétypes masculins sont arrivés à épuisement -, nous avons besoin d’une énergie nouvelle, qui mette l’accent sur l’attention, la joie, la compassion. Aux États-Unis, des femmes incroyables comme Arianna Huffington ou Hillary Clinton expriment cela dans leurs actes. Mais pour revenir au corps, il est toujours possible de se reconnecter à lui, même après des années de bagarre ou de déni. Il est toujours possible de retrouver cette sensation du corps. Il faut alors pratiquer la conscience du corps, le souffle et la respiration, des exercices réguliers de yoga par exemple, la méditation…

     "À 67 ans, je me sens un être global

    La méditation est-elle liée au plaisir ? 

    Elle est liée au plaisir, à la joie, à l’esprit ludique. Elle permet d’aller à la source de notre créativité. 

    On pourrait en dire autant de nombreux musiciens américains, de Charlie Parker à John Coltrane, de Kurt Cobain à Michael Jackson, que vous avez bien connus. Si créatifs et si désespérés. 
    Je pense qu’ils étaient créatifs et pleins de joie au début. C’est lorsque les uns ou les autres ont commencé à devenir terriblement attachés à leur image que la tragédie a occupé la place. Quand le narcissisme prend le pas sur tout le reste, la créativité demeure, mais l’âme est torturée.

    La méditation passe-t-elle par une certaine acceptation de la solitude ? 
    Oui. Mais les gens confondent souvent solitude et capacité d’être seul. La solitude est effrayante, la capacité d’être seul est précisément ce qui nous relie aux autres. La solitude est déconnexion, la capacité d’être seul connexion. Ma conviction est que la méditation amène en réalité l’individu « du je au nous » (« from me to we »). 

    Ce départ de votre terre natale, était-ce un gain, une perte, les deux ?
    Vous êtes jeune et plein d’esprit d’aventure, vous ne pensez pas aux difficultés… Vous savez, chaque gain est aussi une perte. À 67 ans, je me sens un être global. Dans dix ans, chacun d’entre nous se vivra ainsi j’espère ! Et dans vingt ou trente ans, les nations auront probablement été remplacées par une sorte de Netocratie ou Webocratie, on votera sur Internet pour approuver ou dénoncer des politiques culturelles, économiques et autres…

     "Je crois que l’âge est très gratifiant"

    Jeune homme, vous vous rêviez écrivain et vous êtes devenu médecin. Il n’est pas rare que ces deux ambitions marchent côte à côte : Oliver Sacks, Martin Winckler, Jean-Christophe Rufin… Autant de médecins devenus auteurs à succès. Quels ponts entre ces deux professions ?

    Les médecins passent leur vie à recueillir les histoires de leurs patients, et ils sont d’assez bons auditeurs, je crois, avant, pour certains, de transformer ces histoires en écrivant à leur manière. Moi, chaque matin, j’écris deux heures durant, c’est comme un exercice de méditation. C’est aussi une expérience viscérale ! Je me concentre sur mon cœur, et je vous assure que j’en sens chaque battement.

    Le bonheur et le bien-être sont une quête universelle et un formidable marché. Auxquels vous prenez part ? 
    C’est un marché que je préfère à celui des armes, de la drogue ou de la pornographie. Si le bonheur tend à devenir un marché global, ce n’est pas une mauvaise nouvelle, n’est-ce pas ?

    Le corps se met au diapason si l’on vieillit en paix

    Avez-vous peur de vieillir ? 
    Non. Ce qui me préoccupe, c’est l’état d’esprit et de conscience. Nous allons tous devenir vieux, et mourir. J’ai grandi en Inde, où je voyais des gens mourir dans leur propre maison, en famille et en paix. Aujourd’hui, il n’est plus question de cela, car beaucoup de gens sont obsédés par l’aspect physique du bien-être. Moi, je crois que l’âge est très gratifiant si vous vous attachez à l’aspect spirituel du bien-être. Qui résonne toujours d’une manière ou d’une autre sur votre corps : pression artérielle, taux hormonal, densité osseuse, fonctions immunitaires…, tout cela se met au diapason si l’on vieillit en paix. Je me lève à quatre heures du matin, je médite jusqu’à six heures. Je ne suis pas un homme stressé. Vous savez, le conseil de Gandhi était : « Devenez vous-même le changement que vous voulez voir advenir dans le monde. » La sagesse n’est pas quelque chose que l’on apprend, mais, sage, on le devient. Enseigner quoi, à qui ? Le mieux que l’on puisse faire est d’essayer de devenir l’exemple de ce que l’on pense. C’est le seul moyen de conduire le changement. 

    http://madame.lefigaro.fr/societe/deepak-chopra-lhomme-qui-fait-mediter-lamerique-190514-854180


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